Iarwain, fils de Culgan

« Les origines…
Finalement, on en revient toujours là. Moi, par exemple, je n’ai jamais connu mon père… Ma mère m’a dit qu’il venait d’un vieux monastère oublié de chevaliers qui avaient un nom bizarre. Ça devait être les Chevaliers Mythurges. Toujours est-il qu’il a paraît-il claqué la porte un beau jour, et aurait erré à travers le pays. Je n’en sais pas beaucoup plus à son sujet.

Almenia, une jeune femme vivant seule dans la forêt près de Dion, avait un beau jour trouvé un homme inconscient sur ses terres. Cet humain était gravement blessé. Il avait combattu un ours, et avait besoin de soins urgents. Celle qui allait devenir ma mère le soigna, et ce faisant, elle en tomba profondément amoureuse. Craignant que cet amour ne soit pas partagé, elle profita de l’hébétude du guerrier pour lui donner une potion qui le ferait obéir aveuglément à tous les ordres qu’elle lui donnerait. Elle tenait cette potion extrêmement puissante de sa grand-mère. Toutefois, il devait en prendre régulièrement, sans quoi il pourrait briser les liens magiques et mentaux qui l’enchaînaient à Almenia.
Cette situation dura une dizaine de mois. Le vœu le plus cher de ma mère se réalisa : elle fut mise enceinte par cet homme. Elle ne sut jamais son nom, ou n’eût pas le temps de le dire, personne ne l’a jamais su avec précision. Enfin bon, pour eux la vie s’écoulait tranquillement, en dehors de toute tracasserie.
Jusqu’au jour où…
Tavernier, une bière !
_Une bière pour le gars du coin !
_Elle arrive !

_ Jusqu’au jour où, en allant se promener seule dans la forêt, elle se mit à enfanter. Elle gisait là, durant des heures. C’est à ce moment que je vins au monde. Mais elle mourut au moment ou un moine arrivait. Il s’appelait Boursevide, peut être pour le vœu de pauvreté qu’il avait prononcé, ou était-ce pour celui de chasteté ? Je ne me rappelle plus, et à vrai dire, ça n’a pas grande importance. Le père, pendant ce temps, avait repris ses esprits et ses affaires, et était parti.
Tavernier, une autre !
_Ça marche, fit le Nain.

_Or donc, il partit… Merci mon vieux !... Donc, je disais qu’il partit. J’ai su qu’il avait rencontré un certain Alamandar, du côté de Giran. Ce type, j’ai jamais pu mettre la main dessus non plus. On dit qu’il est mort. Ça va pas arranger mes affaires.

Dites, Tavernier, elle est râpeuse votre bière ! Z’auriez pas un truc un peu plus fort ?
_Si, c’est une spécialité locale. Avec ou sans épices ?
_Avec !
_J’vous mets un coup d’hydromel. Ça vaut mieux, surtout si c’est la première fois que vous en buvez !
_ Merci !
L’homme pris une grosse lampée de la mixture contenue dans la chopine de bois :
…
Et murmura : elle est sympa votre tisane !
_La meilleure du pays ! Demandez Fanog le Nain ! Ça fait trois générations qu’on pinte les gens, et ils en redemandent !


_Ouais, j’disais donc que mon père, il a visiblement rencontré ce type il y a une vingtaine d’années. M’enfin, j’peux pas vous en dire plus sur lui.

Moi ? J’ai pas de nom. Ma mère m’en avait donné un à ce qu’il semble, mais je voulais depuis tout petit que ce soit mon père qui me baptise. J’attends de le retrouver pour avoir un nom. En tout cas, aujourd’hui, je suis un paladin, comme mon père avant moi ! Et le premier qui me traite de bâtard, il va souffrir !
Le jeune homme s’écroule, complètement ivre…


Le lendemain, accoudé au comptoir de la taverne, le jeune humain parle au tavernier.

_Excusez moi pour hier, ça cognait dur votre spécialité, là. Je n’ai pas l’habitude de la gueule de bois. Bon, je vous dois combien pour les bières, la tisane, et la nuit ?
_802 adenas. Vous avez oublié la chaise que vous avez cassée en tombant.
Le jeune homme sort la somme demandée, et ajoute :
_Si je vous donne 150 adenas de plus, vous pourriez me renseigner sur un certain Alamandar ?
_Bien sûr ! Je l’ai bien connu quand il était jeune. Une vraie menace pour mes barriques, surtout quand il venait avec cet autre humain, comment il s’appelait ? Culgan, ou un truc du style… Ah, l’avait bien changé quand on l’a revu par ici, y a de ça quelques années. L’était devenu grand maître d’un clan, ou je sais pas quoi, toujours avec le même type avec lui.
En tout cas, ce gars là, c’était pas un commode, surtout vers la fin. Il était très parano, et visiblement, d’après les récits que j’ai entendus, pas porté sur la pitié. On dit qu’il a fait torturer et brûler des bandits qui avaient commis un vol dans des entrepôts lui appartenant. Enfin bon, ça fait un petit mois qu’il a été tué, à Gludio qu’il paraît. M’enfin, il paraît qu’il est pas revenu un seul des assassins pour s’en vanter. L’est mort de ses blessures, mais les a tous zigouillés avant, qu’il paraît. Enfin bon, l’est enterré du côté de l’île, loin dans l’Ouest.
_Merci bien, Fanog le Nain !

Et Sans-Nom repartit. Il devait rendre une visite à la tombe de ce type, des fois qu’il y aurait des indices. Il eût un peu de mal à trouver l’île, mais moins à trouver le tombeau. Alors qu’il traversait l’île pour revenir sur le continent, il vit une boutique de nécromancien. Il se renseigna, et il apparut que le type était capable de faire parler les âmes des morts récents. Il lui fit savoir qu’il voulait interroger l’homme enterré à l’Ouest de l’île. Le mage accepta, moyennant finances.

La nuit suivante, ils se retrouvèrent devant la pierre tombale du Demi-Elfe. Le mage chuchota :
_Bon, je vais l’invoquer. Mais rappelez-vous qu’il ne pourra que répondre à vos questions, et que ses réponses ne refléteront pas la vérité, seulement son point de vue. Préparez bien vos questions, le temps sera limité.
_Bien.

Le mage commença à baragouiner des incantations, et fit soudain silence.
_Qui ose tirer Alamandar de son sommeil ? dit une forme spectrale en s’élevant à travers le roc pour s’arrêter en dominant les deux humains. Sa voix grave n’était qu’un souffle de vent, mais on sentait une ancienne majesté ternie par la mort. Le spectre se tenait debout, flottant dans la nuit. Il avait deux magnifiques épées dans les mains, et était revêtu d’une superbe armure.
_Quelqu’un qui a des questions qui mérite qu’on brave la mort pour les poser, répondit Sans-Nom en répétant la phrase rituelle que lui avait enseignée le vieux sorcier.
_Alors, pose-les, fit de nouveau la voix d’outre-tombe.
_Je suis né il y a 17 ans, cinq mois et trois lunes. Il semble que c’est un homme que vous avez rencontré à Giran à ce moment qui m’ait conçu. Savez vous qui c’est ?
_Eh bien, tu es humain. Le seul humain que j’ai retrouvé à Giran à cette époque est un nommé Culgan. C’est moi-même qui l’ai recruté à cette époque. Cela serait bien ironique que je sois le premier à connaître la descendance de Culgan.
_Vite, vite… Je sens mon énergie qui se dissipe. Il ne vous reste que quelques minutes ! fit le magicien.
_Savez-vous où je peux le trouver ?
_Il est habituellement avec un drow nommé Anathor.
_Qui est cet Anathor ? Qu’est-ce que je devrais savoir sur lui ?
_Si tu trouves ce drow, méfie-t-en. Il peut te mener à Culgan, ou te tuer.
_Dernière question, prévint le nécromancien.
_Quel spécialisation avait mon père quand il était jeune ?
_Il était paladin, dans un ordre de chevaliers. Je vais te faire un cadeau, en souvenir du temps passé avec ton père. Reviens demain matin ici même, tu trouveras mon armure. Tu pourras t’en servir, à condition que tu en révèles l’origine à ton père.

La forme spectrale s’évanouit soudain. Il ne restait plus que la froide lueur de la lune, qui paraissait pourtant pleine de vie en comparaison des lueurs fantomatiques qui agitaient le spectre d’Alamandar.
_Brr… c’était inquiétant ! Mais au moins j’ai les réponses que je cherchais. Direction : Giran ! C’est une bonne base pour chercher Anathor ou Culgan!

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Les portes de Giran se dressaient de toute leur hauteur devant le jeune humain. Elles reflétaient les lueurs du soleil dans des éclats de bronze, comme le métal de l’armure de Sans Nom. Il se plaça à la première taverne, et demanda à la cantonade :
_200 adenas à qui peut me dire où je peux trouver un humain appelé Culgan ou un drow appelé Anathor !
Un silence de mort lui répondit.
_Hum, hum… Bon, ben merci quand même…

Il cherchait depuis plus de 15 lunes quand un des étranges êtres qu’on appelle drows le frappa sur l’épaule.
_C’est toi qui cherche Anathor ? Tu lui veux quoi ?
_On m’a dit qu’il me mènerait à un certain Culgan, que je cherche pour affaires personnelles.

Le drow joua avec ses doigts pendant quelques secondes, puis demanda :
_C’est qui, « on » ?
_Mieux vaut que cela reste secret. Toutefois, il est plus que vital que je parle à Culgan.

Le drow s’agita, l’air un peu nerveux, puis prit un air de résignation.
_Bon, je suppose que je vais vous mener à lui, puisque je suis Anathor.

Sans-Nom ne répondit rien. Il se mit à suivre le drow, qui l’entraîna dans un dédale de ruelles sombres. Il arriva à une porte, où il frappa un code. Un grand humain en armure ouvrit.
_Tiens, ce gamin a absolument tenu à te rencontrer. Etant donné son visage, je n’ai pu refuser. Voici…
_Sans-Nom.
_Culgan, fit l’homme en armure avant de faire un étrange signe de la main pour inviter l’autre à entrer.

Et Sans-Nom révéla son identité à celui qu’il devait désormais appeler « Père ». Malheureusement, il faillit se faire tuer par Culgan, car celui-ci ne pouvait croire qu’il ait un enfant. Mais, tant le vampire que le paladin qui étaient en lui finirent par l’adopter. L’âme de son vrai père, le paladin, le baptisa Iarwain, avant de s’effacer pour un temps, cédant la place à son pendant vampire.

Iarwain mit un peu de temps à comprendre la personnalité et la nature de son père, ses relations avec Anathor, mais adopta immédiatement sa nouvelle famille. Linoge, « papy », comme il l’appelle irrespectueusement, Schrei, l’humain vampire qui se révéla être le beau frère d’Iarwain, Mitzrael, la somptueuse Drow aux longs crocs, sa demi sœur, Maylis, la tante d’Anathor… Tout ce petit monde se retrouva bien vite dans le cœur d’Iarwain.

Toutefois, Iarwain est facétieux, insolent, irrespectueux, espion, voleur et menteur. Drôle de personnalité pour un paladin… Mais il est aussi fier, et fidèle à ceux qu’il aime. Les bourses et les secrets constituent deux passions pour lui, et il aime à connaître leur contenu.

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